J’ai rencontré Claire Soubeyran à Saint-Denis en 1993-1994. Elle est ensuite venue travailler avec moi pendant environ deux ans, de 1995 à 2000.
Claire venait travailler chez moi de manière ponctuelle avec des demandes variées quant à la manière de chanter ceci ou cela. Elle ne supportait pas la technique, elle était autodidacte, et elle n’avait en fait pas besoin de moi sauf pour se rassurer et chercher devant moi tel ou tel placement, telle ou telle intention. Elle n’avait besoin de personne pour trouver l’esthétique avec laquelle elle voulait chanter : elle savait !! Elle savait respirer, elle savait articuler, elle savait phraser, elle avait une culture musicale phénoménale.
Elle pouvait répéter un nombre incalculable de fois la même phrase jusqu’à trouver ce qu’elle voulait. Je ne servais à rien, j’étais un miroir, j’étais celle qui essayait de relativiser la perfection, de lui redonner son humour sur elle-même. Chez elle, elle ne travaillait pas : elle tournait en rond sur telle ou telle difficulté.
Elle me demandait aussi des conseils pour son enseignement dans les chœurs, du moins elle me disait comment elle s’y prenait, et je ne pouvais qu’approuver ; pas de place pour le doute, ni la remise en question éventuelle. Elle était angoissée et obsédée par le souci de la perfection.
Nous nous aimions beaucoup, elle avait confiance en moi plus qu’en elle-même. Elle avait des idées très arrêtées, toujours de bon goût musical. Sa voix était incomparable de justesse grâce à son timbre de rêve.
Voilà, elle nous manque à tous.
Elisabeth Demangeon est une spécialiste de la voix : orthophoniste à Paris, elle est aussi formatrice en chant baroque, médiéval et populaire et chanteuse.