Claire Soubeyran est née le 29 avril 1949 à Dieulefit, un village du sud de la Drôme, dernière d’une famille de trois enfants.

Claire a baigné dans la musique dès l’enfance. Ses parents étaient musiciens et mélomanes : sa mère, d’origine Suisse, très bonne pianiste et organiste, avait suivi une formation musicale à l’Institut Jaques-Dalcroze à Genève et avait été professeure de rythmique et son père, mélomane et violoncelliste amateur, aimait aussi beaucoup chanter, notamment à l’occasion des réunions familiales. Le chant était en effet une tradition chez les Soubeyran.

Claire avait toujours aimé bricoler en essayant de construire des choses de ses mains. Vers l’âge de 14 ans, ayant découvert par hasard une vieille flûte traversière dans le grenier de la maison, elle essaya d’en jouer et aima les sons qu’elle arrivait à en tirer. À cette époque, elle aimait écouter le disque El cóndor pasa, où on entend le son de la quena, cette flûte droite à encoches jouée dans les pays andins d’Amérique latine. Un jour, après avoir déniché une canne à pêche en roseau, Claire essaya de fabriquer ce qui allait devenir sa première flûte : une quena. Après plusieurs modifications et essais, elle arriva à produire une flûte ayant un son satisfaisant. Claire prit alors plaisir à fabriquer des quenas avec des roseaux pour ses amis et des gens de la famille.

En 1972, alors que, âgée de 23 ans, Claire avait entamé des études d’économie à Grenoble qui ne la motivaient guère, son père eut la bonne idée de lui faire rencontrer, lors d’un séjour à Dieulefit, Claude Monin, un facteur de flûtes à bec qui était en visite chez des membres de la famille. Claude Monin essaya une des quenas fabriquées par Claire et, trouvant que la flûte avait des qualités certaines, il proposa à Claire de le rejoindre à Paris pour apprendre le métier de facteur de flûtes.

Claire partit donc à Paris où elle travailla comme apprenti dans l’atelier de Claude Monin jusqu’en 1976, effectuant principalement le tournage de flûtes à bec, travaillant aussi sur des flûtes traversières et réalisant de petites réparations pendant que Claude Monin assurait les finitions. Durant ses années de formation, Claire développa sa maîtrise des outils (tours à bois, perceuses, fraiseuses) et des matériaux (bois, métaux) en se rendant aussi chez d’autres professionnels comme des mécaniciens, des ébénistes et même des dentistes (pour apprendre la prise d'empreinte). Par ailleurs, Claire réalisa avec Claude Monin ses premiers outils, d’après les planches de Diderot et d’Alembert et des spécimens de musées, ce qui fut l’occasion pour elle de développer son goût de la recherche.

Cependant, c’était davantage la sonorité de la flûte traversière qui intéressait Claire. Aussi, en 1976, elle ouvrit son propre atelier au 29 rue Belgrand dans le 20e arrondissement de Paris. Tout en tournant des flûtes, Claire affina sa connaissance du métier en copiant des instruments anciens qu’on lui donnait à réparer. Dans les années 80, elle collabora un temps avec l’entreprise allemande Moeck pour laquelle elle conçut deux modèles de flûte moyenne gamme qui sont toujours commercialisés.

Puis, ayant ensuite disposé des plans de la flûte Rottenburgh (flûte traversière réalisée au 18e par Godfridus Adrianus Rottenburgh pouvant être utilisée sur toute la période de l’époque baroque), Claire en réalisa une copie alors qu’il n’en existait aucune sur le marché. Le soliste Jean-Claude Veilhan qui était venu voir Claire pour une restauration, apprécia beaucoup la copie et finit par l’adopter pour ses concerts. Ce fut en quelque sorte le début de la reconnaissance et dès lors, les flûtes fabriquées par Claire Soubeyran – signées CS –  devinrent très demandées.

Au fil du temps, Claire poursuivit son travail d’orfèvre en affinant encore le travail de la sonorité et de l’harmonisation, phase essentielle de la réalisation d’une flûte, pour répondre à la demande des solistes et professionnels avec lesquels elle collaborait. Certains flûtistes l’aidèrent dans ce travail en partageant leur expérience et en lui apportant de précieux conseils, notamment Pierre Séchet, Pénélope Evison et Gérard Sharapan.

Sensible à la sonorité et au timbre des instruments, Claire s’intéressait aussi tout naturellement à la voix, autre source de recherche de l’harmonie. Aussi, en parallèle avec son métier de facteur de flûtes baroques, Claire commença à étudier le chant. C’est ainsi que dans les années 80, elle étudia le chant baroque avec Jacqueline Bonnardot.

En 1985, Claire obtint une bourse du gouvernement français pour étudier les procédés de restauration des instruments anciens. Elle partit aux États-Unis à Washington où elle effectua six mois de recherche au National Museum of American History de la Smithsonian Institution, complexe de musées et de centres de recherche. Son projet de recherche consistait à étudier l’influence déformante que les ligatures des joints exercent sur la perce des flûtes. Elle avait choisi d’effectuer sa recherche à la Smithonian Institution, car celle-ci se trouvait près de la collection de flûtes Dayton Miller, riche de 1700 instruments datant du 16e au 20e siècle. Ces six mois de recherche furent pour elle très instructifs.

Quelques années après son retour en France, en 1987, Claire déménagea à Boissy-l’Aillerie, petit village du Vexin au nord-ouest de Paris où elle partagea pendant deux ans l’atelier du facteur de flûtes et instruments anciens Henri Gohin, avant de créer son propre atelier en 1989 au 26 rue de la République. Riche de son expérience récente à Washington qui lui avait permis de parfaire son anglais, de développer sa connaissance de la restauration et de la fabrication des instruments anciens ainsi que de nouer de nouveaux contacts, Claire était désormais largement reconnue, faisant partie de la dizaine de facteurs de flûtes baroques formant l’élite internationale. Son carnet de commandes était bien rempli et elle se rendait aussi chaque année dans plusieurs salons professionnels en France et à l’étranger.

En parallèle avec son métier de facteur, Claire continuait sa formation en chant et son travail sur la voix. Ainsi, dans les années 90, elle se forma en technique vocale au répertoire baroque, médiéval et populaire avec Elisabeth Demangeon. Puis, son parcours l’amena aux chants de tradition orale de différents pays qu'elle étudia notamment avec Nato Zumbazé (Géorgie), Oléna Chevchok (Ukraine) et Olga Kane (Russie), sans oublier Giovanna Marini (Italie) que Claire rencontra en 1993 et avec qui elle se forma régulièrement tout en partageant sa passion pour les chants italiens.

En 1994, Claire fut récompensée pour son travail de facture et reçut le Prix artisanat-Musicora pour la création d’un traverso (flûte traversière baroque) d’étude. Peu après, Claire se joignit à la compagnie Nonna Sima dirigée par Silvia Malagugini dans le cadre d’un spectacle intitulé « La pierre qui chante » qui mêlait danse et chants italiens populaires et sacrés. Un disque du même nom fut enregistré en 1996 qui reçut des critiques élogieuses.

En 1998, Claire fut lauréate du Prix culture-Musicora de la création instrumentale pour la mise au point d’une flûte à système Boehm à perce conique.

Dans les années 1999-2000, Claire se joignit à l’ensemble vocal Dialogos dirigé par Katarina Livljanić pour chanter des pièces liturgiques croates et italiennes lors de plusieurs concerts. Elle fit aussi partie du quatuor vocal Les 4Staffiores.

 

 

 

 

À la fin des années 90, tout en participant à ces différents ensembles vocaux et en suivant des stages de chant et de nouvelles disciplines comme le clown, Claire commença à animer des stages de chants de tradition orale (essentiellement des chants italiens, russes et géorgiens) en France, en Belgique et en Suisse, souvent en collaboration avec d’autres musiciens et en s’associant parfois à d’autres disciplines comme celle du clown à partir de 2015.

 

Puis, l’occasion se présentant, Claire prit la direction d’une chorale à Conflans où elle transmettait aux participants sa passion pour les chants polyphoniques de différents pays. Avec le temps, tout en continuant à fabriquer et à rénover des flûtes traversières, sa passion pour le chant prenait de plus en plus d’importance dans sa vie.

En novembre 2013, Claire se blessa gravement à la main droite dans son atelier en affutant un alésoir. Après une longue et courageuse rééducation, elle put enfin recouvrer l’usage de sa main et reprendre son travail normalement.

Quand Claire décéda le 7 mars 2018 des suites d’une rupture d’anévrisme, sa vie était bien remplie et riche en divers projets musicaux.

Si son départ laisse un vide pour beaucoup, il reste pour ceux qui l’ont connue les souvenirs d’amitié et de musique partagés, et pour les professionnels de la flûte, il demeure ses instruments signés CS  au timbre incomparable et son savoir-faire en facture que nous avons souhaité conserver dans ce site.